- INDE (DROIT MODERNE ET CONTEMPORAIN DE L’)
- INDE (DROIT MODERNE ET CONTEMPORAIN DE L’)INDE DROIT MODERNE & CONTEMPORAIN DE L’Alors que le droit hindou traditionnel, déterminé par la religion, méconnaissait la notion de règle de droit, élément coercitif, différencié des autres règles de conduite, les Britanniques ont introduit en Inde la conception occidentale du droit territorial, comblant par là les lacunes des droits religieux excluant soit les non-hindous, soit les non-musulmans. Dans les présidences de Madras, de Bombay et de Calcutta, placées sous l’autorité directe de la Couronne, le droit anglais était applicable dans les cours royales, sous réserve des règlements particuliers pris par les autorités locales. Cette application n’en était pas moins sélective; les litiges privés intéressant uniquement soit les hindous, soit les musulmans restaient soumis aux droits religieux respectifs des uns et des autres. Dans le reste de l’Inde (moffussil , placé sous la tutelle de la Compagnie anglaise des Indes orientales), le droit anglais n’était qu’un droit d’exception. Les tribunaux étaient appelés à statuer, devant la carence des règles religieuses locales, «selon des principes d’équité, de justice, et de bonne conscience». Pourtant, en matière de mariage, de succession et de caste, c’est strictement au droit religieux qu’on avait recours.À la suite de l’intégration de l’Inde entière à l’empire britannique (1858) la légalité se substitue peu à peu à l’autorité. La décision du juge devient origine de précédent (auparavant, elle était limitée au litige concerné) et s’attache ainsi à une interprétation précise et difficilement modifiable de la règle de droit religieux, laquelle était caractérisée antérieurement par son étonnante mutabilité. De plus s’opère alors l’introduction systématisée d’un droit anglais adapté à l’Inde. C’est la période des codifications du droit, qui ont leur origine en France. Le Code de procédure civile en 1859, le Code pénal en 1860, le Code de procédure pénale en 1861 marquent cette période avec quelques lois essentielles: Contrat Act (en matière contractuelle), Specific Relief Act (relatif à l’exécution en nature des obligations), Transfer of Property Act. Mais, comme dans les principaux systèmes juridiques occidentaux, la responsabilité délictuelle ne fait l’objet d’aucune codification précise; elle sera structurée par la suite sous la seule impulsion de la jurisprudence.La Constitution de 1950 maintient en vigueur le droit antérieur. Dans ce cadre, on tente de mettre en place un Code civil pan-hindou, surmontant les contradictions coutumières internes et les solutions divergentes des diverses écoles: loi sur le mariage en 1955, loi sur les successions en 1956. Le système juridique indien moderne est fortement marqué par le droit anglais, ou, plus exactement, il en a assimilé les fondements indiscutables, réformé les lacunes devenues évidentes (par exemple, en déterminant plus largement, dans le domaine des incriminations pénales, la violence en matière de contrat, ce qui porte remède à l’arbitraire hiérarchique des castes, ou en étendant le domaine de l’assistance judiciaire).Le droit national indien appartient incontestablement, par ses concepts et ses techniques juridiques, à la famille de la Common Law: la règle du précédent est fermement établie; la fonction d’uniformisation jurisprudentielle est dévolue à la Cour suprême, dont le «droit déclaré s’impose à toutes les juridictions dans le territoire de l’Inde» (art. 141 de la Constitution; cette cour est la juridiction de dernier ressort et elle ne dépend plus du Comité judiciaire du Conseil privé britannique); les juridictions judiciaires et administratives ne sont pas séparées; la Statute Law, ou droit législatif, joue un rôle restreint. (Une compilation des principaux textes de référence a été faite sous le nom d’Indian Code; la Statute Law reste néanmoins très proche du principe jurisprudentiel; ainsi, le sens des dispositions qui s’y trouvent est souvent éclairé par de nombreux exemples d’origine jurisprudentielle; la valeur et la portée de ces décisions donnent actuellement lieu à d’importantes controverses.)Le droit indien, cependant, garde un aspect particulier et se détache, à certains égards, de la branche juridique anglaise. À la différence de la Grande-Bretagne, où l’équité et la Common Law sont du ressort de juridictions séparées, l’Inde se caractérise par une fusion de ces deux modes au sein du même organe. En matière de droits et de biens, il faut signaler la particularité du régime foncier (motivée par les impératifs sociologiques et les velléités gouvernementales de réformes agraires). Le droit international privé met fortement l’accent sur une question qui se trouve un peu délaissée partout ailleurs dans le Commonwealth: celle des conflits entre lois de statuts personnels. Enfin, le droit constitutionnel indien est marqué par le fédéralisme de l’Union, la forme républicaine de l’État, la présence d’une loi fondamentale écrite et un contrôle de la constitutionnalité des lois. Sur tous ces points, il s’éloigne du modèle anglais pour se rapprocher du modèle américain.En définitive, le droit indien contemporain, trouvant ses fondements dans le système juridique britannique, a dû adapter ce dernier aux caractères originaux du sous-continent et créer ainsi un droit nouveau, qui commence à servir de référence à de nombreux juristes de l’ancien empire colonial britannique.
Encyclopédie Universelle. 2012.